de Jerry Stahl, éditions Payot Rivages/Noir
Résumé
Premier héros comique du muet hollywoodien, Roscoe Arbuckle, dit ‘’Fatty’’ Arbuckle, a toujours été gros mais pas toujours adulé. Famille pauvre, rejeton rejeté, c’est par hasard qu’il découvre son talent comique, son attrait pour la scène, même miteuse, même de bric et de broc. L’enfant trop grand et trop gros devient LA star des débuts d’Hollywood, l’ami et soutien financier de Buster Keaton, le rival de Charlie Chaplin, le protégé de Zuckor etc. Les cachets faramineux de la période 1910-1920, c’était lui. La notoriété, la gloire internationale, c’était pour lui, Fatty.
L’argent qui pleut. Les plus belles femmes qui se pâment et se pressent. La gloire, le succès. Les soirées où se mêlent alcool, sexe, gens de petites vertus, stars, pique-assiettes. Jusqu’à la chute, le déshonneur. Jusqu’à l’accusation de viol et de meurtre sadique qui transformera le gros et drôle Fatty en monstre honnis et haï.
L’auteur
Jerry Stahl auteur, scénariste, comédien, journaliste. La toile ne dit pas grand chose de lui, mais souligne son passé de drogué – le livre qu’il en a tiré, adapté au cinéma avec Ben Stiller en star, n’étant sans doute pas étranger à l’affaire. Assurément, l’homme a du vécu. En tant qu’auteur, il est plutôt thriller
Ce que j’en pense
Comique oublié
Se basant sur des faits réels, Jerry Stahl peint, sous la forme de fausses mémoires, la vie hors norme, plus vraie que nature, la vie et la chute de Roscoe Fatty Arbuckle. Génie comique le mieux payé de son temps. Aussi connu et adulé qu’une Mary Pickford.
Suis-je un dinosaure pour que le nom de ”Roscoe Fatty Arbuckle” fasse tinter des réminiscences de scandale, et pour m’interroger sur l’oubli qui l’entoure ? Heureusement, Jerry Stahl exhume Fatty pour le remettre en lumière.
Mecque et presse
Quelle bonne idée que ce principe narratif des fausses mémoires ! L’auteur, par son talent de conteur, sa force d’empathie, nous immerge dans la psyché de Roscoe puis de Fatty Arbuckle. Et en même temps que l’on se glisse dans les pas du jeune Roscoe, c’est l’Amérique du Nord du début du XXe siècle qui revit sous nos yeux. C’est aussi toute la Mecque du cinéma et la puissance de la presse (Hearst en tête) qui s’agitent et bruissent devant nous. Acteurs, actrices, producteurs, et toute la clique de naïfs, menteurs, profiteurs qui se greffent à ce business de plus en plus florissant.
Des parallèles avec le Hollywood d’aujourd’hui ? Je vous laisse seul juge.
La voix de Fatty
Sorti de sa plume trempée dans l’encre du thriller, Jerry Stahl se met au service de son héros, Roscoe puis Fatty, devenant la voix et l’âme d’un personnage plus grand, plus vrai qu’il n’était, peut-être, permis de l’être lorsqu’on est gros, pas éduqué, naïf et subitement riche. C’est Fatty qu’on lit, Fatty que l’on entend, Fatty que l’on côtoie. Naissance. Ascension…
…et chute. Fatty/Jerry raconte l’enchaînement fatal des événements, en passant par l’acharnement médiatique, le retournement des « amis » comme de l’opinion. Fatty/Jerry est d’un fatalisme confondant, comme s’il n’avait jamais vraiment cru qu’on puisse l’aimer à ce point.
A ce stade du roman, la question la plus importante est de savoir si Stahl a réussi à rapprocher la fiction de la réalité.
J’avoue tout
J’ai totalement, com-plè-te-ment, adoré ce roman : la vie des rednecks et de artistes miteux, celles des stars, grandioses dans la gloire comme dans la débauche, voir le puritanisme main dans la main avec la presse, découvrir l’envers du décor hollywoodien et de ces premiers grands comiques du cinéma.
Extraits
« Je me faufilais sans arrêt dans les théâtres. J’aimais bien aller renifler les coulisses, lorgner les costumes, passer mes doigts dans la poussière de poudre à maquillage sur les malles déglinguées. Ce que je préférais, c’était épier les acteurs, surprendre leurs conversations. En-dehors des planches, ils paraissaient plus exotiques encore que sur scène. Des pirates et des gitans qui se roulaient des cigarettes et lisaient les journaux satiriques. »
« Voici ce qu’on apprend quand le monde entier se retourne contre soi. On prend un carnet plein de numéros de téléphone de gens dont on croyait être aimé, qu’on croyait être des amis (…) et on les entend, l’un après l’autre, raconter des trucs qu’on n’aurait même pas cru possibles dans la tête de son pire ennemi, encore moins dans sa bouche. »
P.S. : sur les débuts d’Hollywood, à lire, l’excellent
Hollywood Babylone de Kenneth Anger. Une pépite !
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