d’André DUMAS

Cette nuit je suis seul debout devant ma glace.

Quel est cet inconnu qui me regarde en face ?

Avec ce front livide, cet exil anxieux ?

Tout mon passé me scrute on dirait par ses yeux.

Rôdeur bizarre au teint de somnambule, comme

Il me fixe ! À mon tour je le fixe cet homme

Et nous nous observons l’un l’autre obstinément.

Il songe. – À  quoi peut-il songer en ce moment ?

Quel est le mal, la fièvre étrange dont il souffre ?

Cet intrus, embusqué dans le miroir profond,

Je voudrais parvenir jusqu’à lui, jusqu’au fond

De son âme, sonder son angoisse secrète.

Mais un vertige au bord de l’abîme m’arrête.

Vainement je m’attarde à le dévisager,

Je sens bien qu’à jamais il m’est un étranger

Ce taciturne aux yeux hagards, aux lèvres blêmes,

Et que rien n’est pour nous plus obscur que nous-mêmes.