L’homme : Je me verrai dans l’obligation de vous faire taire.

La femme est surprise puis éclate de rire. L’homme s’éloigne.

L’homme : Arrêtez de rire. Arrêtez avant que ça ne devienne insupportable.

La femme : Aucune chance que ça ne devienne insupportable l’ami : j’ai le rire le plus communicatif du monde ! Lâchez-vous et laissez vos zygomatiques travailler !

L’homme : (Furieux) Parce que vous croyez que c’est le lieu et le moment pour rire ?

La femme : Tout doux, tout doux. Je dis seulement… Vous voyez où l’on est, vous le savez mieux que moi, regardez-moi ça (elle désigne la pièce en tournant sur elle-même) Que j’explose de rire ou pas ce sera toujours aussi laid, aussi triste. Ma situation n’aura peut-être pas changé mais j’aurais volé trois minutes d’oubli, trois cents grammes de fun à la saleté de destin qui m’a envoyé ici.

Long silence

L’homme : En d’autres circonstances je vous aurais peut-être – oui, « peut-être » – donné raison. En l’occurrence (il s’emporte) vous ne comprenez rien à rien ! Continuer un semblant de vie normale comme si on pouvait sortir d’ici sur un claquement de doigts vous mènera à la démence (il se calme) Je l’ai fait. J’ai testé. Ça ne marche pas. (il reprend son souffle) Ils viennent… Vous venez d’être… jetée ici ; vous êtes combative, pleine d’assurance, soit. S’il vous plaît faites-moi, faites-nous ce plaisir : calme et discrétion, voilà tout ce que je demande.

La femme : “Vous faire plaisir” ?… Certainement. Je vais m’employer à “vous faire plaisir”. Mais un mot gentil comme entrée en matière, ça vous aurait écorché les lèvres ? Vous ne voyez donc pas dans quel état je suis ?!  (Elle lève les bras au ciel) Mais qu’est-ce que je t’ai fait pour que tu me colles un énergumène pareil ? Dans d’autres conditions d’accord mais là, pas même la galanterie de s’intéresser à une jeune femme en détresse ?

L’homme : (Excédé) Toutes mes excuses. Bienvenue en enfer. Merci de vous taire.