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Courtesy: E. Mucha

Excentrée, la maison fait face à la lande de mousse et de rochers, tournant le dos aux plus proches habitations. J’aime cette maison. Il y a tant de panneaux de verre qu’on la croit ouverte au vent, prête à être emportée par les bourrasques glacées. On y voit l’intérieur du salon comme si on y était soi-même donnant l’impression d’être dans le jardin et dans la pièce à la fois.

Presque toujours allumées, les lumières sont telles mille bougies me laissant ébloui, époustouflé. Quelle idée de génie ! Quel génie que cet Edison ! une magie à portée de main, commandée selon son vouloir, à volonté, quel que soit son âge. De la magie pour ignares.

C’est pour cette pièce et sa luminescente magie que mes pas me portèrent jusqu’ici aavnat d’en connaître les habitants : les deux petits, éclairs montés sur vélocijambes, les aînés, absents l’un à l’autre, davantage satellites que parents à part entière. Lui, le père, le velu hirsute, jovial et perclus de bières, pas méchant, pas gênant, sans intérêt, Elle enfin, lumière incandescente parmi les lumières, ange de beauté et de délicatesse, Elle par qui le rire afflue, se renforce, prend corps et sens. De ma vie jamais, jamais je n’avais ressenti d’instants aussi chargés de bonheur. La première fois cela m’emplit tout entier, d’une façon si soudaine que je crus être soulevé dans les airs, balloté, secoué d’un nuage à l’autre, plaqué au sol et trainé par une horde de rennes en colère. J’ouvris les yeux, je n’avais pas bougé d’un pouce. C’était l’effet Elle : Elle m’était apparue.

Bientôt je pris mes habitudes. Je suis profondément un être d’habitudes, de récurrences et de répétitions. Confort de ce que je connais, de la façon dont je fais et refais à l’identique. J’avais mon poste d’observation, j’aérais la terre dès qu’elle perdait de son moelleux afin qu’elle m’accueille aussi confortablement le jour suivant et ainsi de suite.

Devant moi le spectacle est constant, serein. Les enfants rentrent. Ce qu’il faut pour satisfaire leur appétit de jeunes loups les attend sur la grande table de bois. Mets dressés, joliment disposés. Elle prend grand soin à la disposition. D’un geste rapide elle chasse les poussières qui pourraient encore subsister et entacher la perfection de sa mise en place. Puis arrive le maître de céans. Sa mise n’a rien de net : un pan de chemise qui dépasse par-là, un col revêche en pointe d’épée par ici, un monticule de cheveux hirsutes quelle que soit l’heure. Son allure débraillée dérange ma vue. Je le hais, bien sûr. Once par once, mon corps s’imagine partir à son assaut, livrer bataille et… je n’en fais rien. Me traiter de couard et de pleutre ne m’enhardit pas davantage.

N’abusent-ils pas de cette électricité ? Leur pièce de vie rayonne comme si le soleil de midi y était retenu prisonnier. Dans mon couffin de nuit noire je me sens à l’abri et aussi hypnotisé qu’un insecte.